Je suis convaincu, en écrivant ces lignes, après avoir fréquenté ma loge pendant quelques années, que le « le modèle maçonnique », permet à la fois cette démarche introspective salutaire, de s’améliorer dans l’estime de soi et, tout simplement, de devenir meilleur.
Le suis-je devenu ? Ce n’est pas à moi de le dire, mais une chose est sûre, je me sens mieux aujourd’hui devant ma glace.
Je me rends compte ici d’un autre paradoxe maçonnique. Comment se persuader, en position de « profane », de cette possible perfectibilité par la méthode symbolique ? Je me rappelle mon agacement quand, au fur et à mesure de mes contacts préliminaires, il m’était demandé, après l’inévitable « Pourquoi voulez-vous être franc-maçon ? », de définir la franc-maçonnerie et ce que je pensais qu’elle allait m’apporter. Alors que déjà, je ressentais confusément mes lacunes spirituelles et que j’avais des difficultés à les exprimer, je devais me lancer dans la description d’un Ordre dont j’ignorais pratiquement tout, en-dehors de quelques points historiques. Et, par-dessus le marché, on souhaitait que j’indique, que je devine tel un voyant extra-lucide, ce que j’y trouverais. Comment parler d’un film que l’on a pas vu, ou d’un restaurant où l’on a pas déjeuné ?
C’est aussi une des raisons qui nous ont incité à réaliser le site de notre loge . Puisse-t-il, aimable lecteur qui souhaitez éventuellement nous rejoindre un jour, vous apporter les éclairages que vous attendez.
Mais, pensez-vous peut-être, « Et le parrain dans tout ça ? N’est-ce pas à lui de donner à son futur filleul toutes les informations nécessaires sur le monde maçonnique ?! » Pas forcément. J’ai compris depuis que les questions, par moi jugées absurdes, qui m’étaient posées sur cette maçonnerie inconnue, et les réponses attendues relevaient de l’interprétation, exactement comme celles qu’inspire un symbole. Il ne m’était pas demandé de répondre en bon cartésien, par des vérités ou des exactitudes, mais de donner ma signification, mes suppositions des choses. Et d’indiquer ainsi ma volonté de changement de plan. Passer du matériel au spirituel, non plus avec ma seule raison mais aussi avec mon imaginaire. Premier exercice, en somme, de transformation, pour commencer « à tailler ma pierre », suivant l’expression maison. Premiers coups de maillet et de ciseau que, en l’occurrence, mon parrain ne devait, ni ne pouvait, donner à ma place.
Je sais maintenant, pour être parrain moi-même, qu’il n’est pas judicieux, en quelque sorte, de « voler les émotions » de son filleul, mais, bien plus, de le guider patiemment dans sa démarche. Le parcours maçonnique consiste en une œuvre progressive, une suite de découvertes, qui commencent par le travail sur soi et exigent du jeune franc-maçon une marche pas à pas. Exactement comme la tâche de l’apprenti opératif qui devait apprendre à examiner et interpréter avec soins les plans de la construction sous l’œil du maître, avant d’accéder au chantier. Et parvenir à imaginer la cathédrale, pour mieux lui offrir ses mains et en ciseler la pierre.
« Pour devenir pleinement soi-même, il faut cesser d’être ce que l’on est. »
Maître Eckhart
* : Président de la loge avec mandat de trois ans.